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Le point sur les garanties pertes d’exploitation, un an après le premier confinement

L’ACPR a estimé en juin 2020 que 4.1% de tous les contrats portant une garantie perte d’exploitation souffraient d'un manque de clarté quant aux garanties liées à la Covid-19. C’est dans ce contexte qu’un accord a récemment été trouvé entre Bercy et les assureurs.

L’ACPR a estimé en juin 2020 que 93,3% de tous les contrats portant une garantie perte d’exploitation ne garantissaient pas la Covid-19, alors que 2,6% d’entre eux la garantissaient clairement. Enfin, 4,1% de ces contrats souffrent d’un manque de clarté. D’après les données du régulateur, cela représente environ 46 300 assurés.

L’ACPR s’en remet à l’appréciation souveraine des juges du fond pour lever toute incertitude sur les clauses ambiguës. Cependant, cela ne signifie pas que tous ces litiges vont faire l’objet d’une procédure judiciaire. Avant toute chose, il revient à l’assureur et à l’assuré de se mettre d’accord quant à savoir si les pertes d’exploitation peuvent être indemnisées dans le cadre du contrat. Si un désaccord persiste, les propositions d’indemnisation forfaitaire, les gestes commerciaux, ou encore les avenants visant à éclaircir les clauses mal rédigées, ne peuvent en aucun cas conduire à priver les assurés de leur droit de recours.

C’est dans ce contexte qu’un accord a été trouvé entre Bercy et les assureurs. Cet accord garantit notamment :

  • Le gel des cotisations des contrats multirisques professionnels pour 2021 des TPE/PME du secteur HCR, de l’évènementiel, du tourisme, du sport et de la culture
  • L’engagement des assureurs à conserver en garantie ces contrats pour celles de ces entreprises qui connaitraient des retards de paiement des cotisations dans le contexte de la pandémie et ce pendant le premier trimestre 2021

Pour le futur, ces accords de Bercy promettent également la mise en place d’une médiation des assurances pour les entreprises afin de favoriser les accords à l’amiable pour tout litige portant sur la modification d’un contrat d’assurance professionnelle et laissent entrevoir la possibilité d’une assurance pandémie ou bien d’un mécanisme de résilience propre des entreprises. Mais pour l’heure, il nous faut déjà comprendre quels contrats sont, en l’état, susceptibles de faire l’objet d’une indemnisation des PE.
 


L’indemnisation des pertes d’exploitation lorsque le contrat souffre d’un manque de clarté

Les pertes d’exploitation sont couvertes lorsque le contrat le prévoit ; mais que va-t-il se passer pour les 4,1% de contrats litigieux souffrant d’une clause ambiguë ?

L’ambiguïté de la clause

Pour déterminer l’ambiguïté d’une clause, il convient de raisonner par élimination pour chaque contrat :

  • La garantie est subordonnée à la survenance d’un dommage aux biens garantis (un incendie par exemple) : la clause est dans ce cas univoque en défaveur de l’assuré, la garantie PE ne s’applique pas en raison de la Covid.
  • Une exclusion explicite des effets d’une pandémie garantissant la fermeture administrative est prévue au contrat : la clause est dans ce cas univoque en défaveur de l’assuré, la garantie PE ne s’applique pas en raison de la Covid.
  • Le contrat garantit les PE quelle qu’en soit la cause et ne comporte aucune exclusion du risque pandémique : la clause est dans ce cas univoque en faveur de l’assuré, la garantie PE s’applique en raison de la Covid.

Lorsque le contrat ne se trouve dans aucun de ces cas d’espèce, la clause doit être considérée ambiguë.
 

Le fondement de l’article 1190 du Code civil

« Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé. »

C’est le principe que rappelle l’ACPR : le doute bénéficie à l’assuré. Le message est clair, l’issue d’une procédure judiciaire ne pourra pas être favorable à l’assureur si la garantie est reconnue ambiguë par le juge. C’est ainsi que le tribunal de commerce de Nice a retenu que la clause du contrat qui exclut l’indemnisation de la perte d’exploitation est ambiguë si au moins un autre établissement situé dans le même département a subi une perte d’exploitation pour une cause identique, cette clause devant alors être interprétée en faveur du débiteur, donc de l’assuré.

Dans ce cas précis, l’assureur avait révisé par avenant du 17 septembre 2020 la clause d’exclusion litigieuse : ces avenants ne sont donc valables que pour le futur et ne peuvent pas concerner les PE subies lors de la crise de la Covid-19.

 

Les nouveaux contrats

Afin d’éradiquer purement et simplement l’ambiguïté des contrats, les assureurs ont modifié les polices d’assurance des contrats multirisques incluant une Perte d’Exploitation qu’ils distribuaient.

Des clauses permettant d’exclure le péril des maladies transmissibles ont été intégrées. Tous les risques qui toucheraient à une épidémie, pandémie, voire à une enzootie ou une épizootie (équivalence pour les animaux) sont exclus des nouveaux contrats, qui sont désormais plus clairs et lèvent toute ambigüité.

Certains assureurs ont conditionné la reconduction à l’échéance de ces contrats à la signature de nouveaux avenants excluant tout risque pandémique. 

Dans ce contexte, comment se couvrir contre le risque pandémique ?

La spécificité du risque pandémique est qu’il s’agit d’un risque massif et planétaire, qui touche tout le monde. Cela rend le risque difficilement assurable. 

Plusieurs solutions ont été évoquées mais aucune n’a été retenue pour le moment. Notamment :

  • La CATEX (proposée par la FFA, refusée par le gouvernement) : il s’agissait de couvrir des catastrophes exceptionnelles, reprenant en partie le modèle de garantie des catastrophes naturelles, avec une garantie obligatoire dans les contrats d'assurance de manière à élargir l'assiette au maximum, mais entraînant un surcoût pour les entreprises.
  • Des solutions individuelles facultatives (proposées par le gouvernement) : leur mise en place permettrait aux entreprises de se constituer des provisions pour faire face, par la suite, à la réalisation du risque, soutenues par un régime fiscal avantageux. Il pourrait s’agir d’un nouveau produit assurantiel, mais pas nécessairement. Selon Bercy, « une large souplesse sera offerte aux entreprises ». Les contours seront dévoilés plus tard dans l’année en vue d’une proposition législative et ces solutions ne verront probablement pas le jour avant 2022. 

A l’heure actuelle, la signature d’un nouveau contrat n’offre pas la possibilité d'obtenir une quelconque couverture du risque épidémique ou pandémique, cependant, les assurés professionnels se voient ouvrir la voie de la médiation.

 

La médiation de l’assurance ouverte à la clientèle professionnelle

Pour répondre à l’augmentation des litiges entre assureurs et assurés concernant les couvertures des pertes d’exploitation liées à la pandémie de la Covid19, la médiation de l’assurance, auparavant réservée aux particuliers, va être étendue aux entreprises. 

Ouverture de la Médiation de l’assurance aux professionnels

Bruno Lemaire, ministre de l’économie, a annoncé le 7 décembre 2020, que la médiation de l’assurance pourra être saisie pour “tout litige portant sur un contrat d’assurance professionnelle” et ce quelle que soit la date de contractualisation de l’assurance. 

Par ailleurs, la médiation de l’assurance pourra être saisie par l’assuré ou par l’assureur et aura vocation à traiter des différends concernant :

  • L’évolution de garanties contractuelles
  • Le refus de renouvellement des couvertures
  • La résiliation de contrat

La médiation de l’assurance sera confiée à Arnaud Chneiweiss, médiateur de l’assurance actuel qui souligne que « La médiation est un outil souple et plus rapide que les actions en justice. Encore faut-il que les deux parties souhaitent entrer en médiation ».

Il sera possible d’engager une procédure de médiation de l’assurance dans un premier temps puis si nécessaire de s’en remettre à la justice. Néanmoins, pour les litiges en cours d'instruction devant le juge, le plaignant ne sera pas autorisé à lancer en même temps une procédure de médiation. 

 

Conclusion

En pratique, les assureurs doivent entreprendre plusieurs chantiers majeurs : 

  • Juridique - Revoir la rédaction de toutes les clauses contractuelles ambiguës 
  • Information du client et devoir de conseil / Distribution - Améliorer l’information qu’ils délivrent aux assurés quant à l’étendue de leurs garanties.  
  • Gestion des fonds propres / Solva II - Le régulateur annonce également avoir entrepris, avec les organismes concernés, de vérifier la bonne adéquation du niveau de provisions relatives aux contrats contenant une clause ambiguë ou couvrant explicitement le risque de pandémie. 
  • Qualité des données - Améliorer leur visibilité générale des risques réellement couverts et ce même concernant leurs contrats anciens. 
  • Sous-traitance / Distribution – Améliorer le formalisme et la clarté des délégations et prévoir un plan de contrôles plus soutenu des sous-traitants.

 


RAPPEL : La procédure de médiation 

  • Gratuité du service pour les assurés 
  • La procédure de médiation de l’assurance peut être saisie uniquement si le demandeur a au préalable réalisé une réclamation écrite auprès du service concerné 
  • Le Médiateur dispose de trois mois pour rendre son avis (sauf dossier complexe)
  • L’assuré et l’assureur demeurent libres de suivre ou non l’avis du Médiateur