jeudi 13 février 2025

Industrie québécoise face au protectionnisme américain : anticiper pour mieux s'adapter

Hélène Kyriakakis

Hélène Kyriakakis

CEO-Talan North Americas

Un panneau d'arrêt devant le drapeau américain, en référence aux tarifs

Dans un contexte d'incertitude politique aux États-Unis, le secteur manufacturier québécois doit se préparer à faire face à de nouveaux défis. À l'approche des élections présidentielles américaines de novembre 2024, la montée du protectionnisme économique soulève des inquiétudes légitimes pour nos industries. Analysons les enjeux et les opportunités qui se dessinent.

La nouvelle réalité du commerce transfrontalier

Que ce soient les Démocrates ou les Républicains qui l'emportent, une chose est claire : le Buy American n'est plus un simple slogan, mais une réalité politique bien ancrée. Les deux partis manifestent une volonté de "rapatrier" la production industrielle sur le sol américain comme c’est le cas depuis plusieurs années, à l’image de la Reshoring Initiative, créée en 2010.

Cette tendance affecte directement le Québec, dont 71,8 % des exportations internationales de marchandises étaient destinées aux États-Unis en 2022, selon l'Institut de la statistique du Québec. Nos entreprises manufacturières, notamment dans les secteurs exportateurs de l'aluminium, de l'aérospatiale, du matériel de transport et des produits forestiers, doivent anticiper des changements significatifs, alors que certains expédient jusqu'à 80-90% de leur production aux États-Unis.

Des impacts sur la chaîne d'approvisionnement

Les politiques protectionnistes américaines créent trois défis majeurs pour nos manufacturiers :

  1. Complexification administrative : augmentation des exigences de traçabilité et de la documentation requise pour prouver l'origine des composants.
  2. Pression sur les coûts : la nécessité potentielle de relocaliser certaines parties de la production aux États-Unis pour satisfaire aux critères de contenu local.
  3. Incertitude dans la planification : la volatilité politique rend difficile la prise de décisions d'investissement à long terme.

Opportunités à saisir

Quoiqu’il en soit, malgré les défis que pourraient imposer l’issue des élections à venir, des opportunités émergent :

  • Diversification des marchés : le moment est venu d'accélérer notre présence sur d'autres marchés, notamment en Europe grâce à l'Accord économique et commercial global (AECG).
  • Transition accélérée : l'investissement dans les différents volets d’Industrie 5.0 (transformation numérique, développement durable, humanocentrisme) peut aider à maintenir notre compétitivité face aux pressions protectionnistes.
  • Montée en gamme : les entreprises québécoises peuvent se différencier par l'innovation et la qualité plutôt que par le coût.

En conclusion

Le secteur manufacturier québécois a toujours fait preuve de résilience et d'adaptabilité. Face à la montée du protectionnisme américain, nos entreprises doivent se réinventer, non pas comme victimes des changements, mais comme architectes de solutions innovantes.

La proximité géographique, l'expertise reconnue et la qualité de la main-d'œuvre québécoise restent des atouts majeurs. En anticipant les changements et en s’adaptant de manière proactive, le secteur de la fabrication peut transformer ces défis en opportunités de croissance et d'innovation.