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L'intelligence artificielle aurait-elle pu sauver les Bleues ?

Laurent Cervoni, directeur IA chez Talan, revient sur les opportunités qu'offre l'IA dans le sport, notamment dans l'arbitrage.

Les sujets d’actualités sont souvent l’occasion de publier sur le rôle de l’IA et l’influence qu’elle aurait pu avoir ou les conséquences de sa mise en œuvre. Ainsi, on a pu lire que l’IA allait engendrer des Gilets Jaunes, qu’elle pouvait prédire les suicides ou encore qu’elle était en mesure de créer des millions d’emplois (ou en détruire tout autant). Mais assez peu sur l’IA et le sport… L’Intelligence Artificielle n’a-t-elle donc aucune perspective dans le domaine sportif ?

Les USA ont (conformément à toutes les prévisions donc pas besoin d'IA) remporté la finale face aux Pays Bas. Cependant, la main non sifflée dans la surface de réparation lors du match France-USA a relancé la polémique sur l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR en anglais). Instauré officiellement depuis fin 2018, ce dispositif permet à l’arbitre de demander une vérification vidéo sur une action afin de confirmer ou d’infirmer sa décision. Dans le cas du penalty espéré par l’équipe française, elle aurait permis de constater qu’il y avait bien eu contact avec la main d’une joueuse américaine, l’arbitre décidant alors de son "intentionnalité" ou non. De même, dans le match USA-Espagne c’est le recours à la VAR qui a conduit à un penalty victorieux.

Le principal reproche à la VAR est qu’elle hache le jeu avec des temps d’attente de plusieurs minutes. Mais ce qui choque au final, c’est le manque de cohérence des décisions parce que d’un arbitre à un autre, l’interprétation diverge. Cela fait sans doute le charme du jeu et permet d’alimenter les réseaux sociaux (et d’écrire des articles).

L'apport de l'IA en complément du contrôle vidéo permet de réduire les différences de traitement et le temps de décision. Un programme correctement entraîné (au Machine Learning) saura parfaitement détecter "en temps réel" (ou dans un délai très court) un contact ballon-mains ou si les pieds du goal ne sont pas sur la ligne lors d’un tir au but. L'intention de commettre la faute peut même alors être proposée à l’arbitre avec un indice de confiance (on peut supposer que l’écart entre le bras et le corps contribue à déterminer si le contact est intentionnel ou non, y compris pour les arbitres humains). La décision finale relève de l’arbitre mais, alors, sur la base d’éléments objectifs, cohérents et totalement factuels, un programme d’Intelligence Artificielle ne supportant (en principe) aucune équipe (encore qu’il serait possible de l’entraîner à être plus tolérant en fonction de la couleur du maillot !).

Il est donc difficile de savoir si les bleues auraient pu renverser le cours de ce match avec l’IA mais, tout au long du tournoi, les décisions des arbitres seraient restées constantes avec le même niveau d’information. L’UEFA peut donc franchir une nouvelle étape en complétant la VAR par l’AIR (Artificial Intelligence Referee).

Les enjeux dans le sport sont tels que les investissements pour aboutir à un procédé homogène et pertinent paraissent raisonnables. Ainsi, le budget de la Coupe du Monde de foot masculin est passé de 430 millions d’euros (en Allemagne en 2006) à 9 milliards d’euros pour celui en Russie et, probablement 13 milliards d’euros au Qatar. Dans le foot féminin, les budgets sont très largement inférieurs (le total des primes ne dépasse pas 26 millions d’euros, semble-t-il, c’est-à-dire moins que ce que gagne, seul, le vainqueur en coupe masculine). Mais ces outils de reconnaissance et d’analyse d’images existent déjà et restent probablement cohérents avec les enjeux.

L’analyse d’images vidéo en temps réel est un axe de développement fort de l’IA et son utilisation dans le sport n’en est qu’un exemple. Les pays asiatiques ont développé une compétence toute particulière dans ce domaine et, au-delà de la main de O’Hara (qui devient alors anecdotique), l’Europe devrait rapidement se saisir de ce sujet. L’application à des faits de jeu serait une occasion positive de l’exploiter (plutôt que de déterminer qui a un comportement socialement acceptable...). L’UEFA pourrait alors être le fédérateur européen autour d’un projet de reconnaissance vidéo qui évite la contestation des décisions des arbitres (et donc qui limite la frustration des supporters).