Autrefois concurrents, les sites web de e-commerce et les enseignes physiques sont aujourd'hui de plus en plus liés et leur destin semble même plus que jamais commun. La transformation digitale qui n'était alors cantonnée qu'à un espace purement virtuel tend à s'implanter physiquement et la frontière entre /es deux en est considérablement réduite. La multiplication des nouvelles technologies et avec eux la modification de nos comportements d'achat, ont facilité l'ascension de nouvelles enseignes, avec en tête de cortège Amazon, enseigne mondiale spécialisée dans la vente de produits en e-commerce.
La concurrence accrue de ces sites proposant une expérience client simplifiée à l'inverse des enseignes « brick and mortar », enseignes physiques, a poussé ces dernières à se renouveler et réimaginer l'expérience client en proposant des solutions adaptées à chaque client dans chaque situation. Les perspectives sont donc immenses pour un client aujourd'hui de plus en plus exigeant mais également pour les enseignes qui se doivent de s'adapter à ces nouveaux usages.
Alors, quelle est la situation actuelle? Le phygital est-il vraiment le trait d'union entre le magasin traditionnel et les sites de e-commerce? Ou est-ce une tentative désespérée avant la mort annoncée du magasin physique? Comment les nouvelles technologies peuvent-elles s'inclure dans un environnement physique encore marqué par des préceptes traditionnels ?
Le renouveau du « brick and mortar »
L'émergence du e-commerce il y a quelques années signifiait pour beaucoup la mort du magasin physique. Mais le magasin physique existe encore et ne cesse de se réinventer. Les changements induits par ces nouvelles pratiques ont poussé les enseignes traditionnelles dites « brick and mortar » à se renouveler afin de fournir au client une expérience unique et adaptée à ses besoins dans n'importe quelle situation.
Le phygital ou la fusion des « opposés »
Phygital est un terme apparu en 2013 et déposé par l'agence de marketing australienne Momentum. Il s'agit de la contraction des termes « physique» et «digital», désignant l'évolution des magasins physiques vers une stratégie digitale à l'aide des nouvelles technologies. Mais derrière ce terme marketing se cache une réalité essentielle : les enseignes traditionnelles font face à la concurrence accrue du ecommerce et se doivent de repenser l'expérience client avec les nouvelles technologies comme support.
Depuis maintenant plusieurs années, les entreprises ont privilégié le virtuel au détriment du point de vente physique jugé dépassé. Mais les surfaces de vente telles qu'on les a connus sont encore là. Avec un chiffre d'affaires estimé à plus de 2 900 milliards de dollars dans le monde en 2018 selon eMarketer (soit une hausse de 22,9% par rapport à 2017), les points de vente physique restent un canal privilégié des consommateurs.
En effet, bien que le e-commerce soit populaire, il ne représente encore qu'une petite partie du marché du retail (12,2% dans le monde en 2018 selon eMarketer). Les utilisateurs ne sont pas encore prêts à se passer des enseignes physiques et les marques non plus. Preuve en est avec Amazon qui, suite au rachat de Whole Foods, fait une incursion fracassante dans le commerce physique. Le e-commerce a cependant rendu les clients de plus en plus exigeants et modifié leur perception de la consommation.
Il est donc nécessaire d'adopter une stratégie alliant les 2 aspects afin de fournir la meilleure expérience possible.
Une nouvelle façon d'imaginer le magasin physique
Le phygital ne consiste pas en la simple transposition des nouvelles technologies dans l'environnement physique. Il s'agit de trouver le bon dosage entre physique et virtuel. La mise en place du phygital découle de la nécessité d'optimiser les moyens et ressources online et offline des enseignes afin d'améliorer les performances de vente et la perception des consommateurs. Plus que jamais, réel et virtuel tendent à se superposer.
Cette transformation nécessite une nouvelle organisation de la part des entreprises qui risque d'impacter leur fonctionnement et leur communication auprès des clients. Cela passe notamment par le fait de faciliter l'achat en physique. En effet, la généralisation des nouvelles technologies a poussé les clients à exiger une certaine rapidité des enseignes. Le client d'aujourd'hui souhaite trouver rapidement le produit dont il a besoin. L'enseigne de bricolage Leroy Merlin, par exemple, a décidé de mettre à disposition des clients un service de localisation de produits après un test dans 10 de ses magasins. Le tout fonctionne grâce à l'application mobile qui permet de géolocaliser un produit directement dans les rayons.
Mais cela passe également par le fait « d'augmenter » le magasin en le rendant attractif et le plus complet possible. L'enseigne de vêtements Uniqlo l'a d'ailleurs bien compris et propose à ses clients dans sa boutique de San Francisco d'essayer un vêtement à l'aide du Magic Mirror, un miroir virtuel. Les clients peuvent interagir à l'aide d'un écran interactif afin de sélectionner le produit et de le voir apparaître directement dans le miroir devant eux.
En plus de permettre non seulement aux utilisateurs de gagner de temps, ces pratiques rendent le consommateur autonome et permet aux employés de se concentrer sur d'autres tâches.
Si ces enseignes conservent leurs produits physiquement, d'autres vont plus loin en utilisant la réalité virtuelle afin de gagner en espace. C'est notamment le cas de l'enseigne Décathlon qui propose à ses clients de tester les tentes Quechua tout en leur faisant vivre une expérience innovante.
Le consommateur d'aujourd'hui ne se contente plus d'acheter un produit, il achète une expérience. Le point de vente physique ne sert plus seulement à vendre mais également à montrer, à faire rêver, comme c'est par exemple le cas avec lkea qui insiste sur la mise en situation et incite le client à se projeter.
Un marché français encore jeune mais plein d'opportunités
Si le phygital est de plus en plus implanté, notamment aux Etats-Unis et dans les pays asiatiques qui ont très vite pris les devants sur les nouvelles technologies, la France reste un marché en pleine construction. Les initiatives à l'image de celles de Leroy Merlin et Decathlon se multiplient mais restent encore minoritaires ou cantonnées à des actions timides.
Selon le baromètre Smart Retail Samsung, 38% des Français estiment que la présence de dispositifs digitaux les inciterait à se rendre davantage en magasin. Ce chiffre s'élève à 57% chez les jeunes générations (78-34 ans). Bien que le digital ait plus de difficultés à s'insérer sur le marché français que sur les marchés asiatique ou américain, on note une demande en forte hausse. Cela s'est notamment illustré avec la recrudescence du Click & Collect qui permet aux clients de récupérer en magasin un produit acheté sur Internet.
Cela ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un marché en devenir qui se développera de plus en plus dans les années à venir. Mais les enseignes ne doivent pas perdre de vue la valeur client des dispositifs digitaux qu'elles mettent en place.
Les défis à relever
Si les avantages du phygital sont facilement compréhensibles pour une majorité de commerçants, certains freins demeurent. Les enseignes ont encore du mal à imaginer ce renouveau.
Une implantation encore trop coûteuse pour une rentabilité inconnue
Le phygital oblige les enseignes à changer entièrement la structure des points de vente physique et à s'équiper de nouvelles technologies qui ne leur paraissent pas toujours abordables. L'argument financier pèse encore lourd dans la balance et représente le premier frein à la mise en place du phygital. De plus les entreprises ont encore du mal à mesurer la rentabilité d'un tel système. Comment savoir si l'ajout d'un miroir virtuel a incité le consommateur à acheter le produit ?
Des consommateurs et des équipes magasin qui ne doivent pas être oubliés
Si le fait que notre monde est de plus en plus connecté est indéniable, il existe encore une certaine partie de la population qui n'est pas familière avec les nouvelles technologies ou qui reste sceptique quant à ses bienfaits. La mise en place du digital dans les points de ventes physiques ne doit pas se faire au détriment des consommateurs qui restent au cœur du dispositif. Il s'agit là de toute la complexité, comment être sûr de proposer une nouvelle expérience à l'aide des nouvelles technologies aux clients sans risquer d'en perdre certains?
Les équipes en magasin peuvent également constituer un frein supplémentaire, le changement pouvant être perçue d'un mauvais œil et nécessitant une formation supplémentaire. Cela représente le nouveau défi des enseignes qui doivent être capables de jauger correctement leur environnement, à l'instar de ce qui se passe à l'heure actuelle dans les entreprises sur les nouveaux usages collaboratifs.
Des apports à démontrer et une confiance à gagner
La rentabilité d'un projet phygital est en effet complexe à définir, mais il ne sera pas possible de la démontrer si les entreprises ne se lancent pas. Les enseignes ont avant tout besoin d'être rassurées et informées. Il existe encore beaucoup d'enseignes qui n'ont pas conscience des capacités des nouvelles technologies ou qui en ont une vision erronée.
Mais plus que tout, l'expérimentation est essentielle pour convaincre les enseignes. Il n'existe pas à l'heure actuelle de formule unique gagnante, chaque stratégie doit se construire sur la base des acquis de l'entreprise.
Bien que le e-commerce ait explosé ces dernières années, le point de vente physique n'est pas mort, mais il doit s'adapter aux nouveaux usages. Il est aujourd'hui temps de briser les frontières existantes entre physique et virtuel afin de proposer à des utilisateurs de plus en plus connectés une nouvelle expérience en réunissant le meilleur des deux mondes. L'avenir est plus que jamais au phygital.